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Le rôle de l'EPR dans l'évolution du marché éléctronucléaire

Le marché de la production d'électricité est extrêmement complexe, de part la diversité des moyens de production (énergies renouvelables, nucléaire, charbon, hydraulique), l'évolution de la demande (développement économique et démographique), la variabilité de la demande selon divers facteurs (températures, prix du kwh) et l'organisation des échanges économiques entre pays fournisseurs et demandeurs.

Nous nous proposons ici d'examiner l'aspect commercial du Réacteur Pressurisé Européen, en rapport direct avec les évolutions actuelles du marché éléctronucléaire.

Organisation du marché éléctronucléaire actuel

Qui produit l'énergie électrique ?

442 réacteurs répartis dans 31 pays différents produisaient, en 2006, 17% de l'électricité mondiale. Les principaux producteurs d'énergie nucléaire sont -dans l'ordre d'importance- les États-Unis, la France, le Japon, l'Allemagne, la Russie et la Corée du sud. Chacun de ces Etats génère plus de 100 GKWh par an, allant jusqu'à 750 GKWh pour les États-Unis. Il faut savoir que l'importance de l'investissement nucléaire est très relative : bien que ce soit l'une des principales sources de production électrique (avec les centrales thermiques et hydrauliques) cela reste néanmoins une technologie très controversée à cause des risques potentiels et non-négligeables qui accompagnent son développement. Les dommages causés par la catastrophe de Tchernobyl ont marqué l'Histoire, et même si le niveau de sécurisation actuel n'a plus rien à voir avec ce qu'il était en 1986, les États demeurent préventifs et préfèrent développer l'utilisation d'autres méthodes certes plus couteuses et moins productives mais également plus sûres et très prometteuses (énergie photovoltaïque, éoliennes).

Diagramme de la représentation d'électricité dans le monde

Deux critères sont déterminants pour analyser la répartition de la production d'énergie au niveau international : dans un premier temps, il est nécessaire de maîtriser des technologies très avancées , qui sont nécessaires à l'élaboration du réacteur. Cela requiert donc un certain niveau de développement de la part des pays désireux d'exploiter ce mode de production, et il faut ensuite posséder les moyens financiers pour assurer la construction des centrales. Ces deux facteurs expliquent la domination des pays les plus industrialisés dans ce secteur, et rendent la production d'énergie nucléaire inaccessible aux pays les moins développés.

Comment s'organise le "marché" de l'énergie nucléaire ?

La consommation mondiale moyenne en électricité s'élève à 15000 terawattheures/an. Si on tient compte de la croissance démographique mondiale et du développement économique des pays émergents (qui devrait augmenter leurs besoins en électricité), il apparaît que ce chiffre devrait doubler d'ici 2050. Le marché de la production d'électricité est donc en plein essor.

Evolution de la demande d'énergie

On comprend alors que pour des pays comme la France, qui a particulièrement développé son parc nucléaire (ce sont les centrales nucléaires qui ont le meilleur rendement), l'énergie est devenue un enjeu commercial : avec 64 millions habitants, son fournisseur en énergie principal (EDF) doit répondre à une demande approximative de 397 Twh/an. Or, avec 19 sites et 58 réacteurs, elle a la capacité de produire 428,7 TWh . 11,6% de sa production d'électricité est donc destinée à l'exportation, principalement vers l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie. Être 'fournisseur d'énergie' permet de rentabiliser efficacement (au-delà de ce que peut payer le consommateur national) les centrales nucléaires, dont la construction coute entre 1,5 milliards d'euros pour une centrale de puissance 1000 MG et 3,2 milliards d'euros estimés pour la future centrale de type EPR (1600 MW).

En déduire que les pays développant l'exploitation du nucléaire sont maîtres de ce marché et affranchis des importations d'éléctricité serait cependant une erreur : il arrive que la France (dont la production éléctrique provient à 80% du nucléaire) soit importatrice d'électricité lors de fortes hausses de la demande.

L'ambition commerciale de l'EPR

D'où vient l'EPR ?

Le réacteur pressurisé européen (EPR) est un projet issu de la collaboration franco-allemande, et géré en majeure partie par le groupe français AREVA. AREVA est une entreprise considérée comme un leader mondial dans les secteurs de la recherche et de la production d'énergie : avec une présence industrielle dans 43 pays et un réseau commercial couvrant plus de 100 pays, cette entreprise confère à la France une figure de meneuse internationale dans le domaine de l'énergie nucléaire.

La construction du premier EPR fut décidée en milieu d'année 2005 sur le sol finlandais, à Olkiluoto. Cette centrale de 3ème génération, validée par la Finlande pour honorer sa signature au protocole de Kyoto et relancer sa production d'énergie, devait représenter 'l'EPR-vitrine' du groupe AREVA.

La décision de développer cette technologie fut prise pour différents motifs :

  • Premièrement, il s'agit d'anticiper. La durée de vie des centrales étant limitée (environ 40 ans), il fallait dès aujourd'hui prévoir la construction de nouveaux sites de production pour ne pas être pris au dépourvu, nécessité renforcée par l'augmentation de la demande mondiale attendue.
  • Deuxièmement, l'aboutissement des recherches est considérée comme une victoire pour l'Union Européenne, qui prouve ainsi l'efficacité de la collaboration entre ses différents États-membres.
  • Troisièmement, il s'agissait pour AREVA, le concepteur, d'assurer sa position d'innovateur dans le domaine de la technologie nucléaire, et pour EDF, l'exploitant, de maintenir ses compétences d'architecte constructeur et de s'assurer une nouvelle source de capitaux.

Quelles sont les attentes commerciales liées à l'EPR ?

Les pays réfractaires au nucléaire ou en voie de développement, qui disposent d'un potentiel d'achat mais n'ont pas les capacités pour développer la production nucléaire, représentent des clients potentiellement acheteur de cette énergie qu'ils utilisent mais dont ils ne peuvent pas assumer la production totale. Le nouveau réacteur EPR aura une puissance de 1600 MG, ce qui fait de lui le réacteur nucléaire le plus puissant développé à ce jour. Cet atout devrait lui permettre de produire 2% d'électricité de plus que les autres centrales nucléaires mises en service, et dans la situation économique actuelle, ce n'est pas négligeable.

Cependant et malgré sa figure de 'nouveauté', pour AREVA, l'EPR ne représente qu'une technologie de transition : c'est une innovation modérée, faisant office de palier entre la deuxième génération (jugée obsolète avec l'émergence des nouvelles technologies) et la quatrième génération de réacteur nucléaire, prometteuse et très attendue. Les projets d'AREVA quant à la finalité commerciale de l'EPR sont donc tournés vers l'exportation : peu de constructions sont prévues sur le sol français, qui est déjà en surproduction d'énergie. Un seul chantier national a été décidé : celui de construire une centrale à Flamanville (Normandie), d'une part pour rentabiliser l'EPR si la campagne d'exportation n'atteignait pas ses objectifs et d'autre part pour évaluer en situation réelle l'impact des modifications apportées.

L'EPR est donc destiné à la vente : les clients potentiels étant les américains et les chinois. Cependant, le marché offert par ces derniers est temporaire : seulement 15 exportations vers la Chine sont envisagées -dont deux sont en négociations effectives-, étant donné que la transaction du réacteur sera accompagnée d'un transfert de technologie (la Chine sera alors en mesure de construire ces réacteurs par elle-même).

Les difficultés de l'EPR

Quelles complications ?

Le surcoût du réacteur n'est pas négligeable : 1,3 à 2,2 milliards d'euros selon les experts. L'EPR apparaît comme une technologie coûteuse et passablement obsolète, comparée aux attentes liées aux 4ème et 5ème générations de réacteur nucléaire.

De plus, des problèmes techniques sont survenus sur les chantiers précurseurs : les EPR ont des difficultés à construire certains des éléments constituants le réacteur de manière à ce qu'ils soient compatibles avec les normes de sécurité en vigueur. Ainsi, le chantier d'Olkiluoto a pris du retard car la cuve commandée à Mitsubishi (Japon) présentaient des soudures défectueuses, et le béton utilisé pour couler le sol s'avéra trop poreux. Le fait qu'aucune entreprise française, pas même AREVA, ne semble capable d'assumer la construction du réacteur qu'elle a développé est très contestée. Ces désagréments ont engendré des retards sur les deux chantiers, qui auront des conséquences directes sur l'importance des exportations de la technologie EPR et les le prix du kwh adopté pour rentabiliser efficacement leur construction.

Un réel bénéfice ?

C'est dans cette optique que le projet EPR trouve toutes ses contestations : les anti-nucléaires n'y voient qu'une nouvelle aberration, et les pro-nucléaire considèrent que c'est une perte de temps qui empêche de se consacrer à la mise en place de technologies plus performantes. En effet, l'EPR garde les mêmes caractéristiques de fonctionnement que ses prédécesseurs, les Réacteur à Eau Pressurisé (REP). Bien qu'il produise plus d'énergie à partir d'une même quantité de combustible, il dépend toujours de l'exploitation des mines d'uranium. Or, l'uranium est une ressource limitée, dont le prix ne cesse d'augmenter (Le prix de l'uranium a été multiplié par dix en quatre ans) et qui, d'après le rapport du Energy Watch Group, devrait être épuisée d'ici 2025. Dans de telles conditions, est-ce réellement pertinent de développer un réacteur qui certes fonctionnera plus longtemps que les anciens, mais n'en aura pas les moyens ? D'autant plus qu'aucune autre technologie nucléaire ne sera disponible avant 2040.

Au-delà de ces obstacles pratiques, les perspectives d'exportation de l'EPR sont limitées par la problématique liée à l'énergie nucléaire : beaucoup de nations n'ont toujours pas pris de décision définitive en ce qui concerne l'utilisation du nucléaire et d'autres, comme l'Angleterre, y sont opposées. Ces indécisions réduisent considérablement les perspectives de développement d'un marché conséquent pour le nouveau réacteur.

La question du démantèlement de cette centrale n'est quant à elle toujours pas résolue, et constitue un nouvel argument de remise en cause du bien fondé de cette technologie.

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